Albert Camus (1913-1960) : L’Eté

Paru en 1954, L’Été, essai, est un recueil de récits écrits entre 1939 et 1953. Camus y livre quelques réflexions inspirés par différents lieux : Oran , Alger, le désert et la mer.
L’extrait ci-dessous est repris du chapitre « Petit guide des villes sans passé« .

Le kiosque de Constantine

[…] Le voyageur encore jeune s’apercevra aussi que les femmes y sont belles. Le meilleur endroit pour s’en aviser est la terrasse du café des Facultés, rue Michelet, à Alger, à condition de s’y tenir un dimanche matin, au mois d’avril. Des cohortes de jeunes femmes, chaussées de sandales, vêtues d’étoles légères et de couleurs vives, montent et descendent la rue. On peut les admirer, sans fausse honte : elles sont venues pour cela. A Oran, le bar Cintra, sur le boulevard Gallieni, est aussi un bon observatoire. A Constantine, on peut toujours se promener autour du kiosque à musique. Mais la mer étant à des centaines de kilomètres, il manque peut-être quelque chose aux créatures qu’on y rencontre. En général, et à cause de cette disposition géographique, Constantine offre moins d’agréments, mais la qualité de l’ennui y est plus fine.[…]

 CAMUS, Albert, L’Été, essai, Éditions Gallimard, coll. Folio, 1959