La nuit du professeur raconte les tribulations d’un professeur de lettres à qui une mère d’élève propose de participer à un hold-up. André Jefferson, las d’enseigner la littérature à des élèves indisciplinés, accepte et sera entraîné dans une aventure qui le dépasse, mais son destin le rattrapera. C’est à côté du kiosque à musique du square de Clignancourt à Paris que se dénoue le drame.
…Ils prirent le métro en direction de la porte Dauphine. Je montai dans le même wagon qu’eux. Une foule importante nous séparait, ils ne me virent pas. C’était sur cette ligne qu’ils m’avaient pourchassé la veille mais la situation avait changé. Cette fois, le suiveur c’était moi. A Barbès, ils changèrent en direction de la porte de Clignancourt et descendirent trois stations plus loin, à Simplon. […].
Ils empruntèrent la rue Joseph-Dijon, passèrent devant un magasin de vidéo et tournèrent dans le square Clignancourt. C’était une rue calme qui se prolongeait, une centaine de mètres plus loin, par une petite place au milieu de laquelle on apercevait un square. Au début de la rue se trouvait un hôtel de tourisme. Ils y entrèrent. […]
Ne sachant que faire, j’allai attendre dans une brasserie, à côté de l’hôtel. On ne pouvait y entrer, ni en sortir sans que je le visse.
Une heure se passa ainsi. J’en étais à mon troisième café et rien ne s’était encore produit. Une autre heure s’écoula sans qu’il y eût davantage de mouvement. Vers neuf heures, je commençai à m’inquiéter. Et s’ils étaient partis ? je sortis m’en assurer. La lumière qui brillait au deuxième étage me rassura. Ils étaient toujours là.
Je retournai à la brasserie et commandai un dîner que je payai à l’avance en cas de départ précipité. La nuit était maintenant tombée. […]
Ce fut vers dix heures qu’ils quittèrent l’hôtel. Je les vis remonter la rue en direction du square. Ils avançaient de leur pas tranquille. On aurait dit deux retraités faisant leur promenade nocturne.
Abandonnant mon dîner, je me lançai à leur poursuite. Il n’y avait personne d’autre dans la rue, et je laissai une certaine distance entre eux et moi. Cette précaution s’avéra inutile, pas une seule fois ils ne se retournèrent.
Nous débouchâmes sur une place en forme d’équerre. Au centre se trouvait le square fermé par des grilles. Il était entouré d’immeubles en pierre de taille, d’aspect cossu. Quelques fenêtres étaient allumées mais, dans l’ensemble, c’étaient le calme et la respectabilité bourgeoise qui dominaient. (..)Les deux hommes longèrent le square jusqu’à une petite porte grillagée qu’ils poussèrent doucement. Elle s’ouvrit en émettant un léger grincement, et ils entrèrent.
Je les suivis.
le kiosque du square de Clignancourt
Après avoir contourné un kiosque à musique, ils se dirigèrent vers le fond du square. Assis sur un banc dominé par un imposant cédrelier dont les branches se projetaient vers le ciel, quelqu’un attendait, sans aucun doute, Sonia. A côté d’elle était posé un sac de grandes dimensions.
Je me dissimulai derrière le kiosque de façon à ne rien perdre de la scène.
Les deux hommes s’approchèrent du banc, j’entendis le plus petit dire
– Le travail est terminé. Voici la clé, vous avez l’argent ?
– Oui.
La réponse avait été trop brève pour qu’on pût identifier la voix. Néanmoins, je crus reconnaître une voix de femme.
Brusquement, plusieurs détonations claquèrent, fauchant les deux hommes sur place. […]
Elle se pencha sur l’un des deux corps et chercha quelque chose, sans doute la clé dont avait parlé le plus petit. Puis elle se dirigea vers le kiosque sans me voir et continua son chemin vers l’entrée grillagée…